Réalisé
par : Ken
Loach
En : 2001
Avec :Dean
Andrews, Thomas
Craig, Joe
Duttine, Steve
Huison, Venn
Tracey, Andy
Swallow, Sean
Glenn, Charlie
Brown...
Scénario : Rob
Dawber
Montage : Jonathan
Morris
Image : Barry
Ackroyd, Mike
Eley
Musique : George
Fenton
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"British
Rail is gone"
.: Sheffield, sud du Yorkshire, 1996. A des ouvriers du rail
hilares, un contremaître annonce la fin du monopole d'Etat sur
les chemins de fer britanniques. Rira bien qui rira le dernier... En
réalité, au-delà de la nécessaire adaptation
à de nouvelles méthodes de travail, la privatisation va
bientôt placer les "navigators" face à leurs
responsabilités : ou bien ceux-ci se plient aux règles
de la compagnie venue supplanter British Rail dans la région,
ou bien ils choisissent le licenciement avec indemnités et vont
s'inscrire à l'agence pour l'emploi la plus proche.
.: Le scénariste du film, Rob Dawber, a été
cheminot pendant 18 ans. Surtout, en tant que militant syndical et "pigiste"
dans un quotidien progressiste de Sheffield, il fut un témoin
privilégié de l'irruption de la concurrence dans le secteur
ferroviaire, au milieu des années 90. Incontestablement, cette
expérience confère à son script une dimension concrète,
en prise directe avec l'actualité.
La mise en scène de Ken Loach n'a eu, pour ainsi dire, qu'à
faire fructifier ce capital de départ. Filmant ses personnages
à hauteur d'homme, le plus souvent en plan rapproché,
il laisse le spectateur prendre la mesure de leur dignité existentielle.
D'autant que la narration est rythmée par une sorte de mouvement
pendulaire. En effet, entre la camaraderie des ouvriers et leurs relations
avec l'encadrement, fondées sur l'insolence et la facétie,
les intermèdes dédiés à la vie privée
de chacun aèrent opportunément le récit.
Les acteurs participent eux aussi à la bonne tenue dramatique
du film. Sans pathos excessif, les quatre comédiens principaux
dégagent une force de conviction constante. Ils forment un bloc
solidaire que Loach observe se fissurer au gré des péripéties
du scénario, jusqu'à la contamination insidieuse du "chacun
pour soi", inhérente au changement de statut des "navigators".
Car la verve caustique du cinéaste n'épargne aucun des
effets pervers de la dénationalisation du rail britannique :
précarité de l'emploi ; ré-affectation arbitraire
(cf. la scène du compteur), voire destruction pure et simple,
du matériel ; conditions de sécurité désastreuses,
etc...
A l'évidence, Ken Loach a retrouvé l'inspiration. Oubliée,
l'escapade malheureuse à Hollywood pour un Bread n' Roses
de triste mémoire. Il renoue ici avec la justesse critique et
l'humour discret de ses meilleures oeuvres, Kes (1969) ou Raining Stones
(1993) par exemple, au croisement du reportage et de la fiction. Au
fond, à l'instar d'autres grands metteurs en scène, peut-être
Loach n'a t-il jamais réalisé qu'un seul et unique film...
Quelque chose comme "Splendeurs et misères des ouvriers
anglais".
- Vincent Faure -