- - Vers une renaissance à long terme ? - -

:: Les divers genres ::

Le cinéma britannique est éclectique, c'est sans doute là que réside sa force, mais pour comprendre les diverses formes qu'il prend régulièrement, il est intéressant d'en faire tout d'abord un tour d'horizon.

.: Le mouvement "social"

Ce côté "social" est rapidement devenu la "marque de fabrique" du cinéma britannique. Malgré la "noirceur" des situations décrites, ces films ne s'éternisent pourtant jamais dans le déprimant, car ils se veulent les porte-paroles de vies "réelles" qui, si elles ont des bas... c'est qu'elles ont aussi des hauts. Ce "naturel" est obtenu de diverses manières : en laissant une marge d'improvisation aux acteurs par exemple, mais aussi, comme Ken LOACH dans Raining Stones en 93, en diminuant le dispositif cinématographique en tournant en Super16, pour une plus grande liberté d'action...

Si les "valeurs sûres" des années 80 continuent de prospérer, comme Ken LOACH avec My Names is Joe, prix d'interprétation à Cannes en 1998 pour Peter MULLAN - même si les avis sur film lui-même sont mitigés-, ou encore Mike LEIGH, avec Secrets and Lies, Palme d'Or à Cannes en 1996, trois ans après son prix de la mise en scène pour Naked), on voit apparaître de nouveaux talents.

Parmi eux, Mark HERMAN s'est fait remarquer en 1997 par le succès inattendu de son deuxième film, Brassed Off (Les Virtuoses).

Si Brassed Off a été produit par Miramax, il ne fait aucun doute quant à la British touch qui l'anime. D'ailleurs les seules modifications du scénario ont été proposées par Channel Four et non par le studio américain.

Basé sur une histoire vraie, ce film, rassemblant Tara FITZGERALD et Ewan McGREGOR sous la baguette de Pete POSTELTHWAITE, relate les déboires d'une fanfare minière (celle de Grimley, dans le Yorkshire) qui tente de survivre malgré la menace de la quasi-certaine fermeture prochaine de la mine.

Le film, très engagé, est un poignant pamphlet contre les "années THATCHER" mais sa grande qualité est justement de ne pas s'appuyer uniquement sur ce message politique, laissant parler la musique...

Le passage de 1997 à 1998 a été marquée par le succès-surprise, de The Full Monty (dont les dates de sorties internationales se sont échelonnées entre août 1997 et août 1998) réalisé par Peter CATTANEO, dont le thème mêlant comédie et "social" (une bande de chômeurs de la région de Sheffield décide de se sortir du pétrin en montant, non sans difficultés un numéro de strip-tease) à convaincu les spectateurs du monde entier.

Mais le "cinéma social" britannique ne s'intéresse pas uniquement aux problèmes de chômage qui sévissent en Grande-Bretagne.

On peut ainsi voir apparaître depuis quelques années des films qui traitent de maladie, d'"actualité" comme le sida, ou pas, comme on peut le voir dans Go Now de Michael WINTERBOTTOM où Nick (Robert CARLYLE) et sa compagne Karen sont confrontés à la découverte de la sclérose en plaques de celui-ci. Encore une fois, ce cinéma "social" s'arrête sur des personnages "normaux", voire communs, sans plus ni moins d'ambition que les autres, comme la passion de Nick pour le football, même si il y est absolument nul... personnages normaux confrontés à une situation pas toujours facile à assumer.

Un nouvel essor se fait aussi sentir dans les films qui traitent de l'homosexualité.

Il y a encore une dizaine d'années, les films grand public traitant de ce sujet ressemblaient à Maurice réalisé en 1987 par James IVORY, par ailleurs très bon film, mais représentatif de ces films limitant l'homosexualité aux jeunes gens de bonne famille étudiant dans les prestigieuses universités anglaises (dans Maurice, à Cambridge), qui plus est dans une époque souvent décalée (l'action de Maurice se situe juste avant la première guerre mondiale, alors que l'homosexualité était encore illégale en Angleterre).

(note aux lecteurs motivés : britcinema recherche critiques réguliers ou occasionnels, par exemple quelqu'un qui pourrait écrire quelques lignes sur My Beautiful Laundrette. Ecrire à info@britcinema.com)

En 1994, Antonia BIRD dans Priest (produit par BBC Films) situe son action dans la banlieue de Liverpool. Elle y montre un jeune prêtre catholique homosexuel sur qui tout semble s'abattre d'un coup : dans la paroisse où il s'installe, il partage le presbytère avec un prêtre qui vit maritalement avec la "bonne", ce qui, lorsqu'il découvre le "manège", n'est pas sans le faire réfléchir sur sa propre situation; il est par ailleurs confronté au problème de "secret professionnel" auquel il doit se plier lorsqu'il s'agit de confession (secret d'autant plus dur à tenir qu'une adolescente lui confie que son père abuse d'elle), et enfin son homosexualité est découverte et exposée au grand jour, surtout à cause de son statut de prêtre...

Au-delà de l'analogie au Christ, puisque ce jeune prêtre semble lui aussi porter sur ses frêles épaules tous les maux du monde, on remarque surtout que le seul soutient qu'il reçoit vient du prêtre vivant avec une femme, ce qui ne sera pas le cas dans d'autre films qui vont suivrent ou au contraire on assistera à des conclusions plus "optimistes".

En 1995, une autre femme, Hettie MacDONALD, adapte une pièce de théâtre de Jonathan HARVEY qu'elle avait déjà montée sur scène, cela donne Beautiful Thing, un film que l'on pourrait qualifier de "gentil", ou encore d'attendrissant, qui ne brille pas par sa mise en scène mais qui traite la découverte de l'homosexualité par deux jeunes garçons (Jamie et Ste) avec une vivacité et des couleurs inhabituelles d'autant plus que l'action se situe dans une banlieue ouvrière londonienne. Ici l'homosexualité semble poser déjà moins de problèmes que dans la communauté catholique de Priest, ainsi le seul regret évoqué ironiquement par la mère de Jamie est qu'elle "ne sera jamais grand-mère".

En 1998, Simon SHORE (à qui on doit entre autres le documentaire Eton : Class of '91) réalise son premier long métrage, Get Real, également adaptation d'une pièce de théâtre (de Patrick WILDE), qui n'est pas sans faire penser à Beautiful Thing puisqu'il met aussi en scène deux garçons de seize ans (Steven et John) qui n'ont pas la même facilité à assumer leur homosexualité. Si Get Real et Beautiful Thing se partagent cet élément de la narration, on peut considérer que la comparaison s'arrête là, puisqu'on remarque que Get Real, peut-être grâce aux premières pierres posées par Beautiful Thing, s'attarde d'avantage sur des problème quotidiens, plus durs que ceux traités par Hettie MacDONALD. Le film de Simon SHORE paraît donc plus proche de ce qui semble être la réalité, plus nuancée ici que dans le film de 1995, on sera donc d'autant plus étonné par la fin du film où on assiste à un élan général peut-être un peu trop idéaliste.

Le mouvement "social" du cinéma britannique ne s'intéresse donc plus seulement à des phénomènes touchant toute la société (comme le chômage) en se focalisant sur un ou plusieurs individus (Brassed Off ou Raining Stones...), mais il dirige aussi sa caméra vers des phénomènes plus "marginaux", qui touchent les gens au niveau individuel, ce qui les rend plus difficiles à comprendre ou à accepter par le reste de la société, comme la maladie ou l'homosexualité.

.: L'adaptation littéraire

Une des qualités reconnues de tous temps aux britanniques réside en un don certain pour la littérature. Il n'en fallait pas plus pour que celle-ci devienne une source quasiment intarissable de sujets pour les cinéastes britanniques (et les autres).

S'il est impossible de faire ici la liste de tous les auteurs britanniques adaptés au cinéma, il est toutefois envisageable d'en détacher quelques uns du lot.


Champion de l'adaptation toutes catégories : le grand Will.

En digne successeur de Laurence OLIVIER, Kenneth BRANAGH débute sa carrière de réalisateur en 1989 par une adaptation de Henry V ; il est depuis le spécialiste attitré de SHAKESPEARE (1564-1616) au cinéma, succédant ainsi à Orson WELLES, ce qui n'est pas rien ! On dit même que les anglais ont tendance à ne pas l'apprécier énormément lorsqu'ils pensent que BRANAGH l'irlandais comprend sans doute mieux qu'eux leur SHAKESPEARE national ! mais la rancoeur est vite oubliée. Depuis Henry V, il a adapté Much Ado about Nothing en 1993, Hamlet en 1997, qu'il est le premier à adapter dans son intégralité, et Love's Labour's Lost en 2000, sans oublier In the bleak Midwinter, datant de 1995 où il décrit les difficultés qu'affronte une troupe de théâtre à, justement, monter Hamlet. Acteur passé à la réalisation, ce film en noir et blanc est le seul qu'il ait réalisé et où il ne joue pas. Et quand on lui demande s'il n'en a pas marre de SHAKESPEARE, il répond que "sûrement pas" !, mais que "peut-être SHAKESPEARE en a-t-il marre de lui !"

Mais étant donné l'abondance de l'œuvre de SHAKESPEARE, personne ne saurait prétendre à un quelconque monopole, on assiste donc régulièrement à des adaptations plus ou mois réussies, comme Twelfth Night (La Nuit des Rois) de Trevor NUNNN en 1996, ou plus ou moins fidèles comme on peut le voir avec Richard III de Richard LONCRAINE, qui, la même année, resitue l'action dans un hypothétique pays à une époque se rapprochant des années trente.

SHAKESPEARE semblant indémodable, il devrait avoir encore de belles années devant lui au cinéma.

Jane AUSTEN (1775-1817) est certainement moins connue que SHAKESPEARE du grand public international, pourtant en à peine deux ans (de 1995 à 1997) on a pu voir des adaptations de pas moins de quatre de ses ouvrages, à savoir Persuasion, Sense and Sensibility (Raison et Sentiment), Pride and Prejudices (Orgueil et Préjugés)et Emma.

Appréciée à son époque pour la compréhension qu'elle avait du comportement humain, Jane AUSTEN, traite dans la majorité de ses romans d'histoires de soeurs généralement désargentées et à la recherche de bons partis, comme on peut le voir dans l'adaptation la plus connue, et probablement la seule mémorable, celle du Taïwanais Ang LEE (qui avait préalablement réalisé The Wedding Banquet outre-atlantique), avec Emma THOMPSON au scénario, et Kate WINSLET dans sont deuxième grand rôle; le film renouant avec une idée de l'Angleterre qui commençait à se perdre au beau milieu de la crise économique, son côté "campagnard" et vert.

Si un vent de folie Jane AUSTEN a soufflé pendant quelques mois, la remettant d'actualité, il paraît bien apaisé depuis un an... mais sait-on jamais...

Si l'œuvre de Thomas HARDY a donné lieu à un moins grand nombre d'adaptations que, par exemple, celle de Edward Morgan FORSTER (à qui l'on doit Chambre avec vue, Retour à Howard's End, Maurice ou encore La Route des Indes), les films tirés de ses ouvrages méritent néanmoins qu'on s'y attarde.

(rien n'étant acquis, si vous souhaitez voir apparaître ici un passage concernant Edward Morgan Foster, qui a inspiré les films que l'ont sait, exprimez votre désir à : infos@britcinema.com)


Thomas HARDY (1840-1928), était un fataliste, et ce ne sont pas les adaptations de ses ouvrages qui le contrediront. L'adaptation cinématographique la plus connue d'une oeuvre de Thomas HARDY est certainement Tess, réalisée par Roman POLANSKI en 1979 et basé sur Tess d'Urberville.

Dans Jude, réalisé par Michael WINTERBOTTOM en 1996 à partir de Jude l'Obscur, deux cousins vivent un parfait amour contre-nature, mais ne tardent pas à être rattrapés par une cruelle fatalité.

Michael WINTERBOTTOM le dit lui-même, adolescent, Jude l'Obscur était son livre préféré. C'est dire à quel point il a pris le temps de le relire, d'y repenser avant de le mettre en scène (après un court-métrage que lui avait inspiré la scène de la mort du cochon). Chaque modification de l'histoire est soigneusement mesurée, ne gâchant rien du récit, et, fait rare dans l'histoire du cinéma, le film réussit à valoir l'original, justement grâce à ses nuances.

Avec Jude mais également le reste de ses réalisations, Michael WINTERBOTTOM, né en 1961, s'impose comme le réalisateur le plus éclectique et le plus prometteur de sa génération, capable de traiter des sujets toujours différents, sans sembler moins à l'aise dans un style que dans l'autre.

.: Les comédies

Depuis les Monty Python on le sait, nos voisins britanniques ont la recette pour nous faire rire.

C'est d'ailleurs une comédie qui a relancé le cinéma britannique aux yeux du grand public en 1994 : Four Weddings and a Funeral (Quatre Mariages et un Enterrement) de Michael NEWELL.

Depuis, à côté des films à caractère "social", ce sont les comédies britanniques qui ont du succès...

En 1998, les producteurs de tous bords mettent au point la recette apparemment infaillible de la comédie à caractère social, avec The Full Monty, de Peter CATTANEO.

.: Les "déjantés"

On pourrait regrouper ici les jeunes réalisateurs de l'après Shallow Grave dont l'illustration parfaite serait Twin Town de Kevin ALLEN en 1996.

En 1994, Danny BOYLE, réalisateur formé au théâtre et à la télévision, et ses amis John HODGE (ex-médecin à Edimbourg pris par la passion de l'écriture) et Andrew MacDONALD, petit-fils d'Emeric PRESSBURGER, décident de ne faire ni du social, ni du comique : ils vont faire du cynique.

Cela donne Shallow Grave, qui met en scène un trio de colocataires en proie à un dilemme : que faire du corps du nouveau colocataire mort d'une overdose, sachant que mise à part sa "dépouille charnelle", il a quand même laissé un joli pactole en Livres Sterling ? Le choix - funeste - des trois amis entraînera leur "descentes aux enfers"...

Puisqu'on ne change pas une équipe qui gagne, l'année suivante le trio devenu quatuor (Ewan McGREGOR qui jouait dans Shallow Grave reprend en effet du service) remet ça avec Trainspotting. Cette fois-ci les colocataires sont plus nombreux, n'effectuent aucun meurtre entre amis (même si un bébé meurt en cours de route), mais se piquent entre junkies. Le film, présenté à Cannes en 1996, entraînera une polémique de rigueur lorsqu'un film parle un peu trop de drogue ( "malin, vif, drôle, innovateur, provocateur pour les uns, roublard, complaisant, nauséeux, discutable pour les autres") mais qui n'entamera pas son petit bonhomme de chemin (400 millions de francs de recette en 1996).

La voie est ouverte.

En 1996, Danny BOYLE participe à la production du déchaîné Twin Town réalisé par Kevin ALLEN, où des jumeaux gallois qui n'en sont pas (jumeaux, pas gallois), mais qui sont néanmoins assurément dérangés, affrontent un industriel mafieux accompagnés de Cantona... leur chien.

On remarque le régionalisme, parfois nuancé, des jeunes réalisateurs. Ici l'action se passe à Swansea, que le poète Dylan THOMAS (1914-1953) n'a pas hésité à qualifier de "tombeau des ambitions". C'est sur le même ton désabusé que Renton dans Trainspotting exprimait sa colère envers l'Ecosse et les Ecossais, incapables d'être dirigés par quelque chose de mieux que des... Anglais.

Il est aussi intéressant de voir de si l'Ecosse représente seulement 9 % de la population du Royaume-Uni, elle représente néanmoins 15 % de sa production cinématographique !

E) L'animation

S'il est un domaine assez méconnu quelque soit le pays, c'est bien l'animation, tant les Etats-Unis et le Japon se sont imposés dans le domaine.

La Grande-Bretagne a eu la chance de découvrir grâce à la télévision qui les a produit, d'irrésistibles courts-métrages d'animation regroupés dans la Collection Aardman. De ces courts-métrages, ce sont certainement les aventures de Wallace et de son chien Gromit qui ont fait le plus parler d'elles, les deux personnages étant devenus de véritables stars qui ont permis de mettre en avant d'autres productions dans ce domaine.

F) L'aventure irlandaise

L'histoire de l'Irlande et les Irlandais ont toujours fasciné les cinéastes britanniques (et les autres). Cela explique que la verte Erin soit très présente dans la production de films britanniques.

On se souvient tout d'abord de Man of Aran (L'Homme d'Aran), réalisé en 1934 par Robert FLAHERTY, mais aussi le film américain The Quiet Man (L'Homme Tranquille) réalisé par John FORD en 1952 avec John WAYNE et Maureen O'HARA, qui montre avant tout une image déformée du pays difficile à démentir étant donné qu'à cette époque, l'Irlande n'est pas vraiment la coqueluche des cinéastes.

Il faudra sans doute attendre Neil JORDAN dans les années quatre-vingt pour que l'Irlande revienne sur le devant de la scène après des décennies de quasi-absence, avec des film comme The Company of Wolves ou Mona Lisa.

Dès lors on va assister au réveil de la production cinématographique irlandaise sur divers plans.

Certains réalisateurs s'intéressent aux "troubles" irlandais, comme Jim SHERIDAN qui s'engage dans In the Name of the Father puis dans The Boxer, toujours du côté des catholiques, ce qui ne veut pas forcément dire en faveur de l'IRA. Mais aussi Neil JORDAN, dont le film qui a le plus marqué les esprits reste The Crying Game en 1992 qui met en scène, entre autres, un membre de l'IRA; en 1995 JORDAN reconstitue à Dublin l'Irlande du début des années vingt pour nous narrer l'histoire de Michael COLLINS, héros de la guerre d'indépendance.

Mais d'autres réalisateurs préfèrent s'arrêter sur les Irlandais, leur humour, leurs "galères", et surtout leurs ambiances de pubs comme on peut le voir dans The Commitments, d'Alan PARKER, The Snapper et The Van de Stephen FREARS.

Signe des temps, l'Irlande perd alors sont aspect rural pour donner l'image des banlieues de The Snapper ou The Van.