- - Vers une renaissance à long terme ? - - :: Situation du cinéma en Grande-Bretagne :: .: Quelques chiffres Depuis quinze ans, la fréquentation des salles (au nombre de 1000 en 1995, pour 1400 écrans) n'a cessé d'augmenter en Grande-Bretagne. En 1984, 58 millions de billets avaient été vendus, pour dépasser en 1996 la barre des 130 millions. Cette progression se fait bien entendu la plupart du temps au profit des productions Hollywoodiennes, mais il est intéressant de noter que le premier film au box-office pour 1997 fut britannique (The Full Monty) devançant MiB et The Lost World, en faisant deux fois plus d'entrées que ce dernier. De même la production est en constante augmentation : Il y a dix ans, en 1989, seulement 22 longs-métrages avaient été produits; 42 en 1992, 76 en 1995 et le British Film Catalogue 1998 en répertorie 99 ! .: Les moyens de production Il y a deux logos qui ne peuvent échapper au spectateur de films britanniques ; en effet la majorité d'entre eux s'ouvre sur celui de la BBC ou de FilmFour, la branche cinéma de la chaine Channel 4. Il est indéniable que Channel Four, chaîne du réseau de télévision privée ITV, est pour beaucoup dans le "renouveau" du cinéma britannique. Ce renouveau, on le doit en effet pour une bonne part à la seule personne de David AUKIN, le "Monsieur Cinéma" que Channel Four engage en 1990 pour diriger sa branche cinéma. Channel Four a vu le jour en 1982 et a immédiatement mis en place une importante politique de coproduction. A son arrivée, en 1990, David AUKIN à redéfini certaines positions. Tout d'abord, il donne la priorité aux sujets contemporains, et surtout, il met en avant l'écriture. Ainsi le tournage Quatre Mariages et un Enterrement, en 1994, a été plusieurs fois retardé pour "réécriture"... avant de connaître le succès que l'on sait. Et la technique n'a laissé apparaître aucune faille jusqu'à présent. Parmi les films auxquel Channel Four a participé dans les années 90, on peut noter The Crying Game de Neil JORDAN, Backbeat de Iain SOFTLEY, The Pillow Book de Peter GREENAWAY, Beautiful Thing de Hettie MacDONALD, The Madness of King George de Nicholas HYTNER, Secrets and Lies de Mike LEIGH, les réalisations de Danny BOYLE... On remarque que les sujets choisis par Channel Four sont souvent quelque peu "décalés", voire risqués : de The Crying Game et l'ambigu(e) Dil (Jaye DAVIDSON) à Beautiful Thing qui décrit la découverte de l'amour par/entre deux jeunes garçons dans une banlieue ouvrière de Londres, en passant par la manie de la calligraphie corporelle dans The Pillow Book ou encore la rétro Glam Rock déchaînée de l'américain Todd HAYNES avec Velvet Goldmine les risques sont étudiés et assumés, et les films trouvent toujours leur public.
Face au succès de Channel Four, la BBC décide de remettre un coup de manivelle à son département cinéma. La BBC, à travers BBC Films, se distingue tout d'abord sur le terrain qu'elle connaît le mieux, tradition oblige, celui du film en costumes. On la verra ainsi à l'affiche de Twelfth Night de Trevor Jones, d'après SHAKESPEARE, en 1996, mais aussi, et surtout, la même année, au générique du très beau Jude de Michael WINTERBOTTOM, d'après le roman de Thomas HARDY. Mais - et on l'oublie trop souvent- la BBC se penche aussi sur des projets plus "d'actualité". On a ainsi pu voir le violent Small Faces de Gillies MacKINNON qui raconte comment un garçon de treize ans perd à jamais son innocence, dans le Glasgow de 1968; The Van de Stephen FREARS et Go Now de Michael WINTERBOTTOM sont aussi des BBC films... Avec le temps, la BBC essaye donc de mettre un peu de côté son aspect "traditionaliste" comme le prouvent les principales production de l'année 1998, parmi lesquelles on peut compter le réaliste Titanic Town de Roger MITCHELL sur le Belfast des années 70 et le combat d'une femme, ainsi que le film de Gillies MacKINNON Hideous Kinky (Marrakech Express en France), sorte de road movie marocain sur fond de quête de spiritualité, mais aussi Love is the devil, étonnante plongée dans une période de la vie du peintre Francis BACON effectuée par John MAYBURY dont on n'est pas étonné d'apprendre qu'il est avant tout spécialisé dans le cinéma expérimental.
Si la BBC et Channel Four sont pour beaucoup dans l'essor actuel du cinéma britannique, celui-ci ne repose pas pour autant uniquement sur ces chaînes de télévision; non, il bénéficie d'une aide substantielle (mais à double tranchant, artistiquement parlant) générée par la National Lottery En octobre 1994, un nouveau plan d'aide au cinéma est instauré par le gouvernement de John MAJOR, cette aide est tirée des enjeux de la loterie nationale; ainsi la-dite National Lottery a lancé en 1997 un concours pour investir 350 millions de francs dans la production locale sur une période de six ans, la somme étant répartie entre quatre groupements européens (sur les rangs, on trouvait par exemple Le Studio Canal Plus et Pathé parmi les quarante candidats). Il ne faut pas se voiler la face... Hollywood est vraiment partout... mais le plus étonnant est de se rendre compte que pour ce qui est du cinéma outre-manche, il est bien souvent difficile de "repérer" un film à capitaux américains d'un films à capitaux proprement britanniques. Pour exemple une production MERCHANT-IVORY comme The Remains of the Day (Les Vestiges du Jour) a principalement bénéficié de capitaux américains, mais il n'empêche qu'un tel film passe pour purement britannique. De même Brassed Off de Mark HERMAN, en 1997, a partout été récompensé en tant que film britannique, car c'est ce qu'il est, même si l'on doit le financement à Miramax (Michael Collins de Neil JORDAN est également "américain", mais là, on s'en serait douté, vu la façon avec laquelle ils ont plaqué Julia ROBERTS dans le décor...). De cette façon, alors qu'en France Hollywood produirait un remake d'un film français déjà sorti, en Grande-Bretagne, les américains investissent à la source pour obtenir des films qui, tout en gardant leur côté "authentique" peuvent s'exporter aussi bien aux Etats-Unis que partout dans le monde, ceci aussi bien grâce aux thèmes traités que grâce à la langue anglaise déjà présente dans le film (même si les accents régionaux, comme dans Trainspotting ou Brassed Off posent souvent des problèmes, jusqu'à entraîner parfois des post-synchronisations plus "compréhensibles" pour le reste des anglophones).
.: La Grande-Bretagne, terre de tournages Outre la production, Hollywood intervient d'une autre façon (et non la moindre) dans l'industrie du cinéma britannique. En effet, on remarque qu'un grand nombre de "super-productions" hollywoodiennes s'arrêtent à un moment ou à autre de leur élaboration en Grande-Bretagne (principalement dans la région de Londres); c'est le cas de Mission : Impossible, d'Evita, de Lost in Space, du très secret (à l'époque du tournage) Eyes Wide Shut de KUBRICK, ou encore le premier épisode de Star Wars : The Phantom Menace réalisé par George LUCAS. Si les américains traversent l'Atlantique pour tourner leurs films, ce n'est pas (uniquement) pour la verte campagne anglaise. Non, c'est surtout que, à talent égal, les techniciens britanniques sont 30 à 50 % moins chers que leurs confrères hollywoodiens. Ce système permet donc à la Grande-Bretagne de conserver ses techniciens, puisque plutôt que d'aller à Hollywood, c'est Hollywood qui vient à eux. Mais tout cela est sans compter sur la remontée de l'Australie comme terrain de jeu préféré des super-productions... Affaire à suivre...
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