.: Les années Trente, ou la (re)construction d'une industrie La crise économique qui frappe les années trente (au début de la décennie le taux de chômage dépasse les 20 %) rapproche les britanniques des salles de cinéma propices à distraire les esprits. Une séance de l'époque est garantie si ce n'est de qualité, tout au moins de quantité. Il y a soixante-dix ans, vous auriez eu droit à : un magazine d'actualités, un ou deux court-métrages, un premier long métrage britannique (souvent un quota quickie) puis un second long-métrage (généralement américain). Malgré la longueur des séances, il fallut attendre le Sunday Entertainment Act en 1932, pour que les exploitants aient le droit d'organiser des séances le dimanche après-midi. Ces séances étaient d'ailleurs soumises à une taxe spéciale qui servira, entre autres, à financer le futur BFI (British Film Institute).
A cette époque, le cinéma (à quelques exceptions près) n'est pas encore considéré comme étant un art par les britanniques : c'est avant tout un divertissement destiné aux classes populaires. Il ne s'écarte donc pas des genres qui ont fait leur preuves : histoires d'amour, films policiers... ainsi aucune "école" ne se distingue à l'époque, si ce n'est l'"école documentaire" regroupée autour de l'écossais John GRIERSON (1898-1972).
Pourtant, c'est à cette période que se distinguent deux cinéastes : Anthony ASQUITH (1902-1968) et Alfred HITCHCOCK (1899-1980), qui ont en commun leur amour du cinéma, mais pas leurs méthodes de travail. ASQUITH tient, à ses débuts, à écrire ses scénarios; il dira même : "J'ai toujours écrit mes propres scénarios et il me semble que la chose est absolument nécessaire de la part du réalisateur..." puis il cédera peu à peu du terrain à l'adaptation théâtrale, avec, par exemple, The Browning Version (L'Ombre d'un Homme, 1951). HITCHCOCK (qui réalise des films depuis 1921), de son côté, recherche une expression spécifiquement cinématographique, en travaillant avec acharnement à l'élaboration d'un style personnel, comme on peut déjà le voir dans The Lady Vanishes (Une femme disparaît, 1938). De plus, dans ce film de fiction, HITCHCOCK laisse transparaître clairement la réalité politique internationale du moment, en mettant scène des personnages de diverses nationalités dans un pays à mi-chemin entre l'Italie Mussolinienne et l'Allemagne d'HITLER. Dès cette époque, HITCHCOCK réalise donc des films qui savent aussi bien convaincre le grand public que les cinéphiles, même s'il n'emporte pas la totalité des suffrages, en particulier chez les documentaristes. Ainsi si GRIERSON reconnaît à HITCHCOCK de nombreuses qualités (de mise en scène, d'observation du moindre détail...) il ajoutera : "Pourtant, avec toutes ces qualités, HITCHCOCK n'est rien de plus que le meilleur metteur en scène mondial de films sans importance...".
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